9 Février 2011
Novembre 2009 : Mon mari ayant annoncé notre séparation à sa famille proche, je me sens dans l’obligation de faire de même…Seulement, entre mes parents et moi ça n’a jamais été le « must » de la communication…Du coup, ça m’angoisse, je ne sais pas du tout comment leurs dire et encore moins comment ils vont réagir. Enfin si, j’imagine que je vais avoir droit à « Tu es inconsciente ! Comment vas-tu faire seule avec les enfants » ou encore « Ton fils n’a vraiment pas besoin de ça en ce moment ! ». Je crois qu’au fond de moi, j’ai peur, peur de voir leurs souffrances et de ne pas la supporter, peur de devoir jouer l' adulte alors que j’ai l’impression d’être une gamine en détresse, peur des conséquences de mes actes et de mes mots sur le futur…Peur tout simplement…
J’ai peur de passer pour la vilaine fille… Moi qui pendant des années, ai joué le rôle de la petite fille modèle pour ne pas faire de vague et me faire aimer de tous…Je vais devoir casser l’image de la nana bien sous tout rapport, cool, gentille, qui ne dit jamais un mot plus haut que l’autre…Je vais devoir endosser le rôle de la méchante et ça c’est clair, je ne l’assume pas du tout…Je culpabilise d’avance…
C’est donc avec appréhension que j’arrive chez mes parents… Mon père n’est pas encore rentré, mais tant pis, ne sachant pas comment m’y prendre, je balance la nouvelle à ma mère comme si je lui parlais de la pluie et du beau temps…Elle s’effondre en larmes dans un cri de douleur, en me disant qu’elle s’attendait à tout mais pas à ça…Je reste stupéfaite par ce qu’elle vient de dire, étant donné que toutes les personnes qui m’entourent ont toujours perçu que mon couple allait à la dérive et que ça sentait la fin…C’est là que je me rends compte que ma mère est à des années lumière de moi…
Elle est donc complètement sous le choc de ma révélation, elle répète sans cesse « mais ça n’est pas possible, ça n’est pas possible » et puis après elle lâche des bribes de phrases très encourageantes pour moi, du genre…
_ Mais comment tu vas faire toute seule ?...Tu te rends compte que tu vas rester toute seule toute ta vie !...Et les enfants, Mon dieu les enfants…Quant ton père va l’apprendre, il ne s’en remettra jamais…On ne verra plus Nadine, Maurice, Aurélie, Dina et Mamie…On était tellement bien tous ensemble…Et ton mari, mais le pauvre, il va faire comment…OH non! ce n’est pas possible, je pensais bien que ça pouvait arriver à ton frère...Mais à toi franchement, je n’arrive pas à y croire…Arrête de me parler, c’est horrible, je suis sous le choc…Je ne veux plus rien entendre…
Je sors de chez elle dans un état second, l’impact culpabilisant de ses mots raisonne en moi douloureusement…J’ai mal, je suis à la fois triste parce que j’ai pris en pleine face la souffrance de ma mère et à la fois en colère contre elle parce qu’à aucun moment, elle ne m’a demandé comment j’allais, elle n’a pas essayé de comprendre ma décision. Elle est restée centrée sur elle, sur sa souffrance sans s’inquiéter de ma propre souffrance…Je me sens seule…tellement incomprise…
En rentrant, le téléphone sonne…C’est Nadine, ma belle-mère…On s'est déjà parlées quelques jours auparavant, quand son fils lui a annoncé la nouvelle. Elle m’avait alors dit qu’elle s’y attendait et m’avait rassuré, en me disant qu’elle comprenait la situation…Que quoiqu’il arrive Maurice et elle seraient toujours là pour moi et que ça ne changerai rien à notre relation. Confiante, je lui raconte donc ce qui vient de se passer à l’instant avec ma mère…J’ai vraiment besoin de soutien et de réconfort…Elle me dit alors :
_ Tu sais, connaissant tes parents ça va être très dur pour eux…Je vais les appeler si tu veux…De toutes les façons, c’est dur pour tout le monde…Moi, ce qui m’inquiète surtout, ce sont les enfants, j’ai tellement peur pour eux…Tellement peur de la réaction d’Hugo…
Je sens au son de sa voix qu’elle a les larmes aux yeux, je m’empresse de raccrocher avant qu’elle ne craque complètement et moi avec…Mais c’est trop tard, je m’effondre en larmes, tout ça devient trop pesant pour moi.
Je commence à me rendre compte du raz de marée que ma décision est en train de déclencher et ça devient insupportable à gérer pour moi. Je n’ai plus qu’une envie, c’est de me noyer dans mon chagrin…Mais je ne peux pas, je dois être forte pour les enfants, pour moi... Et puis cette décision, je l’ai prise en connaissance de cause, donc je dois l’assumer quoiqu’il arrive…Mais punaise que c’est dur !!!
Le lendemain, l’euphorie que j’avais ressentie le mois dernier par rapport à ma décision de me séparer a totalement disparu et là, j’ai le stress de devoir tout affronter qui me prend. J’essaie de rester confiante et sûr de moi, mais au fond, je suis morte de trouille.
Le problème, c’est qu’à la peur, se mêle une grande colère parce que j’ai appris par mon frère ce matin que mon père avait été dire que je n’avais pas pu prendre cette décision toute seule et que forcément j’avais été influencé par mes amis !!!
Le fait qu’il puisse penser ça de moi, me rappelle à quel point mes parents n’ont jamais cru en moi…Je trouve ça tellement minable de leur part de pouvoir penser ça…Que s’en est même impensable !!! Mais en y réfléchissant bien, depuis toute petite, ils ont inscrit un schéma en moi à travers leurs paroles qui est du genre « Tu n’en es pas capable, c’est normal, tu ne peux pas y arriver. » Pourquoi ? Je ne sais pas ! Mais ils ont toujours eu du mal à croire que je pouvais réussir à faire les choses…Quand j’ai eu mon bac avec mention, ma mère m’a dit que ça n’était pas possible, qu’ils avaient du se tromper…Quand j’ai passé mon concours d’instit, pas une seule fois, ils ont cru que je pouvais l’avoir, d’ailleurs ils sont encore étonnés du fait que je l’ai eu du premier coup. Ils ne m’ont jamais encouragé en rien…Ma mère me répétait souvent en riant que j’avais hérité des défauts de toute la famille. Quant j’étais petite, je prenais ça pour un compliment parce que bêtement j’étais fière d’avoir hérité d’un peu de tout le monde, mais quand j’y pense cette idée est horrible…Je me rends compte aussi que j’ai du me construire toute seule et apprendre à ne compter que sur moi-même pour réaliser mes rêves et croire en moi…Alors là, aujourd’hui quand j’entends ce genre de chose sur mon incapacité à prendre la décision seule de me séparer, ça bouillonne de colère et de non-dits à l’intérieur de moi…
Je sais, faudrait que je leur parle vraiment à mes parents…Mais j’y arrive pas…J’ai l’impression de venir d’une autre planète que la leur…D’ailleurs, pendant des années, je m’étais mise en tête que j’avais été adopté…Cette idée farfelue s’est amplifiée quand j’ai vu une émission qui expliquait que c’était quasi impossible que deux parents aux yeux bleus donnent naissance à un enfant aux yeux marrons, sauf cas très rares. Manque de bol, mes parents ont les yeux bleus et j’ai les yeux marrons…Donc soit, je suis un cas très rare…soit je suis…Mais non je n’ai pas pu être adoptée sinon je n’aurai pas hérité des défauts de toute la famille, voyons !!! Pourtant, ma mère m’a raconté qu’à la maternité les infirmières se sont trompées et qu’elles lui ont amené un autre bébé que moi à l'heure de la tété. Heureusement, elle s’en est rendue compte tout de suite. Mais l’autre maman, n’avait rien vu et était tranquillement en train de me donner le sein en pensant que j’étais sa fille !!! Du coup, j’ai toujours le doute qui subsiste…j’ai peut-être échappé à un remake de « la vie est un long fleuve tranquille »…
Enfin, tout ça pour dire qu’avec mes parents, c’est le « no man’s land » en terme de communication, il y a eux d’un côté et moi de l’autre et au milieu du vide…Y a juste l’annonce de ma séparation qui fait du ping-pong entre les deux…